Élections israéliennes - Analyse et perspectives d'après scrutin
par Gerard Fredj
A l'issue du scrutin législatif, le Roi est nu.
Benjamin Netanyahou semble plus affaibli que jamais mais reste le favori pour former un gouvernement.
Leader du principal parti de la future Knesset, il va être chargé de constituer une majorité de sièges, qui lui donnera une majorité parlementaire pour gouverner.
Analyse d'un scrutin
Les premiers perdants de campagne sont les communicants, et les messages qui ont sous tendus la campagne des "perdants".
Le message du Premier ministre sortant – et de son conseiller en communication Arthur Finkelstein –axé sur le slogan d'un " Israël fort" a fait long feu – comme cela a été le cas pour "une Amérique forte" de Mitt Romney ou la "France forte " de Nicolas Sarkozy.
Les israéliens ont adhéré aux "messages" de proximité, prenant en compte leurs préoccupations quotidiennes, comme l'expliquait un bédouin musulman qui a choisi de donner sa voix à Naftali Bennett, leader de la droite sioniste et religieuse.
La seconde leçon est la volonté de voir de nouveaux leaders émerger sur l'échiquier politique israélien : les nouveaux entrants (Lapid, Bennett) ont été plébiscités.
Benjamin Netanyahou, aux affaires depuis plus de 15 ans (soit comme ministre, soit comme Premier ministre), Avigdor Lieberman, dans une certaine mesure Tsipi Livni (qui a vu en un mois son potentiel s'éroder de moitié), les leaders des partis arabes, Kadima, sont clairement "sanctionnés".
Israël n'a pas basculé à droite comme l'annonçait la presse occidentale (ou comme l'estime la presse arabe aujourd'hui), les électeurs se sont au contraire ancrés au centre.
Selon la nature de la coalition formée, cela aura sans nul doute des répercussions sur la diplomatie de l'état hébreu et les pays de la région.
Benjamin Netanyahou est le grand perdant de ces élections, mais il reste cependant le mieux placé pour former un gouvernement, probablement encore un paradoxe d'un système électoral d'un autre temps, une aberration dans un pays tellement ancré dans la modernité.
Yair Lapid a fait un parcours électoral sans faute : eût-il conclu un accord électoral avec Tsipi Livni ou Shelly Yacimovitch qu'il n'aurait pas réalisé une telle percée; avec une course en solitaire, un discours rassembleur, il est sans nul doute le représentant du centre de l'échiquier politique israélien.
Comme Naftali Bennett peut aujourd'hui voir plus loin: il est aujourd'hui le tenant du discours de la droite nationaliste et religieuse, comme a pu l'être Netanyahou dans le passé.
La gauche, quand à elle, est toujours à reconstruire : Shelly Yacimovitch en dépit de "la rénovation" du parti travailliste qu'elle a opérée, n'a permis que de grappiller 3 sièges supplémentaire.
Le discours du "Labor", vague sur les questions sociales, flou sur la question des négociations de paix, n'a pas convaincu.
A cet égard, Meretz fait mieux en doublant sa représentation, rassemblant les tenants du processus de paix, alors que le courant de la gauche sécuritaire a probablement rejoint Yaïr Lapid (qui avait à ses côtés Yaakov Peri, l'ancien patron du Shin Bet).
L'électorat arabe s'est volatilisé; en dépit des appels de la Ligue arabe ces derniers jours, et du porte à porte réalisé par les militants de ces organisations politiques, l'électeur arabe est resté chez lui.
Signe que, ni les partis arabes, ni les partis traditionnels israéliens ne parviennent à avoir un discours audible dans cette communauté qui représente 20% de la population et ce, alors que le scrutin affiche un taux de participation record).
Quelles sont aujourd'hui les perspectives d'alliance de Netanyahou pour constituer sa coalition parlementaire?
La première hypothèse "naturelle" est un noyau autour du parti du Premier ministre sortant, composé du Likoud, d'Habayit Hayehoudi, et des partis religieux, soit 60 sièges, à égalité avec l'opposition.
Il en résultera une coalition fragile, très ancrée à droite mais sans réelle plate forme politique commune, qui tirera à "hue et à dia"; à court terme cela signifiera également une relation chaotique avec les Etats-Unis et la communauté internationale.
Sur le plan intérieur, cette coalition signifiera l'impossibilité de réformer le financement des yeshivot, mais également et surtout la question du service national pour les jeunes haredims et les arabes israéliens, deux sujets devenus centraux dans la vie politique israélienne.
Elargir cette majorité va s'avérer un exercice de haute voltige politicienne pour Benjamin Netanyahou (qui en est cependant capable, en fin politicien qu'il est) mais qui ne donnera pas forcément une majorité gouvernable.
L'adjonction de Yesh Atid rééquilibrerait la majorité vers le centre, mais Yair Lapid – très attaché à la laïcité – a fait de la question du service national pour tous et de la reprise du dialogue avec les palestiniens, des lignes centrales de sa campagne, difficilement compatible avec la présence des partis religieux, et sur le plan des négociations de paix , avec l'ensemble Likoud-Israël Beteinou-Habayit Hayehoudi.
En fait, aucune coalition comportant les deux partis religieux (Shas, Judaïsme Unifié de la Torah) ne permettra une réforme du service national.
Mais leur sortie de la coalition au profit de l'entrée du parti de Yair Lapid, ne donnerait (Likoud-Israël Beitenou, Habayit Hayehoudi, Yesh Atid) qu'une courte majorité de 61 sièges sur 120 au Premier ministre.
Une coalition Likoud - Yesh Atid, alliés aux partis du centre et de la gauche donnerait une majorité beaucoup plus large de 71 sièges (Hatnua de Tsipi Livni, travailliste) mais si Benjamin Netanyahou y est prêt, son parti la rejettera.
Comme il s'agit probablement du dernier mandat aux fonctions de Premier ministre de "Bibi", son parti sera enclin à prendre moins de gants avec son leader