Par Soeren Kern
Traduction Nancy Verdier
Sources : The Islamization of Spanish Jurisprudence
Dans la mesure où les législateurs européens s’apprêtent à greffer des principes juridiques islamiques sur les codes juridiques laïques européens, la charia islamique pourrait bien devenir une réalité permanente en Espagne et à travers le continent.
L’Espagne a accédé aux demandes du gouvernement islamiste du Maroc, et a accepté que les enfants marocains adoptés par des familles espagnoles restent obligatoirement de culture et de religion musulmane.
L’accord oblige le gouvernement espagnol à mettre en place un « mécanisme de contrôle » permettant aux autorités religieuses marocaines de surveiller les enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 18 ans afin de s’assurer qu’ils ne sont pas convertis au christianisme.
Cette exigence, qui sera inscrite dans le code juridique espagnol, représente une atteinte sans précédent à la jurisprudence d’Espagne par la Charia islamique. Cette évolution représente également une attaque frontale contre la liberté de religion ou de conviction, qui est protégée par l’article 16 (Article 16) de la Constitution espagnole.
Le ministre de la Justice espagnole, Alberto Ruiz-Gallardón a déclaré le 17 février qu’il avait accepté les exigences de son homologue marocain, l’islamiste Mustafa Ramid (Mustafa Ramid) de sorte que les familles espagnoles à qui ont été confiés des orphelins marocains puissent faire venir les enfants en Espagne.
L’adoption d’enfants au Maroc a toujours été problématique. Mais la procédure est devenue beaucoup plus compliquée en 2012, lorsque le gouvernement islamiste nouvellement élu au Maroc a annoncé des mesures pour empêcher les étrangers non musulmans d’adopter des enfants marocains.
Selon l’ONG Association Solidarité Féminine (Feminine Solidarity Association) (ASF) basée à Casablanca, le Maroc a un taux alarmant d’abandon d’enfants ; soit en moyenne 24 enfants abandonnés chaque jour (c’est-à-dire environ 8700 chaque année) dans tout le pays. (ASF dit que les enfants sont abandonnés à cause de l’article 490 du Code pénal marocain, qui stipule un an de prison pour toute personne reconnue coupable d’avoir eu des relations sexuelles en dehors du mariage.)
Statistiquement, l’avenir des orphelins du Maroc est sombre. Un consortium de six ONG rapporte (consortium of six NGOs reports) que 80% des enfants qui grandissent dans les orphelinats marocains deviennent délinquants, et que 10% finissent par se suicider. Seuls 10% s’intègrent de manière productive dans la société.
En raison de sa proximité géographique, l’Espagne est devenue une destination incontournable pour les orphelins du Maroc. En 2011, un an avant que le gouvernement islamiste n’intervienne pour bloquer le processus d’adoption, 254 enfants marocains avaient été attribués à des familles espagnoles.
Le concept occidental de l’adoption – par lequel un enfant adopté devient l’enfant légitime des parents adoptifs – n’a jamais existé au Maroc (ni dans la plupart des autres pays musulmans).
A la place, c’est une loi islamique qui régit l’adoption par un système nommé «Kafala» (Kafala), une tutelle juridique qui permet à une personne non-musulmane d’assumer la responsabilité de la protection, de l’éducation et de l’entretien d’un enfant abandonné, mais qui interdit à un non-musulman d’adopter formellement ou d’assumer la garde de cet enfant.
Selon la Kafala, l’enfant «adopté» doit conserver le nom et le prénom de ses parents biologiques. De plus, l’enfant doit rester musulman et doit conserver sa nationalité de naissance. En effet, les non-musulmans qui ont la garde de l’enfant ne sont pas autorisés à établir un lien parental complet avec l’enfant, comme ce serait le cas avec l’adoption.
Le 19 Septembre 2012, le ministre marocain de la Justice, Mustapha Ramid a publié une circulaire (circular) interdisant le transfert d’enfants marocains à des étrangers « s’ils ne sont pas résidents permanents au Maroc. » Il a fait valoir que lorsque les enfants quittent le pays, il est impossible de vérifier si la Kafala est respectée et si les enfants sont élevés en tant que musulmans.
La nouvelle disposition affecte au moins 58 familles espagnoles à qui ont été confiés des enfants marocains avant l’arrivée en fonction du gouvernement islamiste en Novembre 2011.
Afin de se conformer aux nouvelles exigences, certains Espagnols ont quitté leur emploi et / ou vendu leur maison pour s’installer au Maroc et y obtenir la résidence permanente. Mais beaucoup ont découvert que la simple possession d’un permis de séjour marocain ne garantit pas que les parents adoptifs non-musulmans puissent un jour ramener leurs enfants en Espagne.
Susana Ramos (Susana Ramos), par exemple, une madrilène candidate à l’adoption, s’est vu attribuer un bébé abandonné il y a plus d’un an par la Ligue Marocaine pour la Protection de l’Enfance (Moroccan League for Child Welfare), une institution publique en charge des orphelins. Depuis, elle a effectué 23 voyages au Maroc, mais n’a toujours pas été en mesure de ramener l’enfant en Espagne.
Dans au moins une douzaine d’autres cas, les Espagnols se sont convertis à l’islam (Spaniards have converted to Islam) afin d’obtenir la garde de «leurs» enfants, surtout si ce sont des filles.
Cherchant à mettre fin à ce «drame humanitaire», le ministre espagnol de la Justice Alberto Ruiz-Gallardón a annoncé qu’il allait céder aux exigences marocaines et modifier la loi espagnole de décembre 2007 en matière d’adoption internationale (Law Concerning International Adoption), afin de mettre la législation espagnole en conformité avec la loi islamique.
Les changements juridiques, destinés à prendre effet en 2013, «soumettront» les droits des parents adoptifs espagnols à la Kafala à laquelle ils devront se conformer pleinement jusqu’à ce que les enfants atteignent l’âge adulte.
En termes pratiques, cela signifie que les Espagnols qui adoptent des enfants marocains perdront leur droit d’utiliser le système judiciaire espagnol pour tenter d’obtenir «une adoption plénière» de l’enfant en vertu du droit espagnol. Dans le passé, certaines familles espagnoles ont utilisé avec succès cette voie légale « pour assurer le bien-être» de leurs enfants marocains adoptés, en obtenant pour eux les mêmes droits que les enfants espagnols.
Il reste difficile à savoir si « la stratégie d’apaisement» de Ruiz-Gallardón va infléchir la position des islamistes du Maroc, qui insistent pour que ces mesures juridiques aient un effet rétroactif et s’appliquent à tous les enfants marocains qui ont déjà été adoptés par des parents espagnols.
Les autorités marocaines exigent également que les parents espagnols se rendent au Maroc une fois par an afin que les autorités religieuses islamiques puissent vérifier leur conformité complète avec la Kafala.
En Décembre 2012, un groupe de 40 familles (principalement espagnoles, mais aussi américaines, canadiennes, françaises et suisses) a exprimé son émotion par une lettre adressée au Roi du Maroc Mohammed VI (emotional letter), lui demandant d’intervenir auprès des islamistes qui dirigent le pays.
Mais la lettre semble avoir eu des effets contraires en exaspérant nombre des sympathisants islamistes.
Parmi ces sympathisants, l’Association des Amis du Maroc basée à Barcelone (ITRAN), (Friends of Morocco Association) qui a aidé les familles espagnoles dans leur processus d’adoption au Maroc. Dans un communiqué laconique (tersely worded statement) en date du 25 janvier 2013, ITRAN a déclaré que la décision de circonvenir au statu quo en contactant directement le Roi du Maroc était « incontestablement un manque de respect grave et intolérable » à l’égard de la Kafala.
Les membres de ITRAN furieux que certains enfants marocains en Espagne aient été «baptisés dans la foi chrétienne», ont déclaré qu’à partir de maintenant le groupe aiderait seulement ceux qui signent une déclaration promettant « un engagement sincère et sans équivoque à respecter chacune des obligations que la loi de la Kafala impose ».
Les islamistes du Maroc restent sur leurs positions et n’acceptent aucun compromis. Dans une récente interview accordée à la presse en ligne Europa Press (Europa Press), le ministre marocain des Affaires étrangères Saaedín el Otmani a conseillé aux familles en question de régler leurs affaires en passant directement par le système judiciaire du Maroc notoirement inefficace. Il a dit qu’ils devraient fournir la «preuve» qu’ils peuvent «garantir» le plein respect de la Kafala.
Ce ne sera pas facile. Dans la ville marocaine d’Agadir, par exemple, un juge islamiste a récemment suspendu la procédure d’adoption de plusieurs familles espagnoles. Il a ordonné aux futurs tuteurs de passer au préalable un examen théologique pour faire preuve d’une connaissance suffisante de l’Islam et être en mesure d’éduquer les enfants en tant que musulmans.
Quant à M. Ruiz-Gallardón, il se peut qu’il veuille s’inspirer de la France voisine pour obtenir des conseils sur la manière de traiter la question de la Kafala. Le Code Civil français reconnaît explicitement la Kafala comme ayant préséance sur la loi française dans tous les cas impliquant des enfants nés de parents musulmans à l’extérieur de la France, dans l’intérêt du «pluralisme culturel».
La loi a récemment été contestée devant les tribunaux par une citoyenne de Villeurbanne (Lyon), après que les autorités françaises lui eurent interdit d’adopter un enfant abandonné à sa naissance en Algérie.
En Octobre 2012, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) (European Court of Human Rights) a unanimement confirmé la décision française. Il a été jugé que le refus d’adoption faite au requérant était fondé sur le Code Civil français, mais aussi, dans une large mesure, sur le respect des traités internationaux, en particulier la Convention des Nations Unies de novembre 1989, (United Nations Convention on the Rights of the Child) relative aux droits de l’enfant, qui explicitement se réfère à la Kafala islamique comme «protection alternative » sur un pied d’égalité avec l’adoption.
La CEDH considère que le fait que la Kafala soit reconnue dans le droit international est un facteur décisif pour évaluer la façon dont les pays européens l’intègrent dans leur droit interne pour traiter de tous les conflits qui surviennent.
Toujours en Espagne, la décision de Ruiz-Gallardón de mettre la loi espagnole en conformité avec la charia islamique a suscité la controverse. Mais il reste à voir si des poursuites juridiques contestant ce que certains appellent l ‘«islamisation» de la jurisprudence espagnole verront le jour.
De toute façon, dans la mesure où les législateurs européens sont prêts à greffer des principes juridiques islamiques sur les codes juridiques laïques européens, la charia islamique pourra devenir aisément une réalité permanente en Espagne et à travers le continent.
Soeren Kern is a Senior Fellow at the New York-based Gatestone Institute. He is also Senior Fellow for European Politics at the Madrid-based Grupo de Estudios Estratégicos / Strategic Studies Group. Follow him on Facebook.