Petite psychanalyse du syndrome « antisioniste »
La caricature de Plantu dans la livraison en date du 3 avril 2013 met à nu les soubassements de la psyché collective.
Ce qui apparaît bien sûr en premier dans ce dessin, c’est la symétrie que le dessinateur désire établir entre un état des choses objectif chez les Palestiniens (la séparation des sexes dans l’enseignement), événement qui motive la caricature, et un état des choses supposé chez les Israéliens.
Deux substitutions assymétriques
Cette symétrie forcée (c’est la thèse que le dessin défend sans argumentation) repose cependant sur 2 substitutions : d’un côté, la légende suggère que l’objet de la comparaison (la discrimination de genre) est attribué au Hamas, et de l’autre, la mention portée sur le bâtiment de fond nous laisse entendre qu’il s’agit de la Palestine.
Force est de remarquer que le dessin représentant le Hamas n’est pas identifié graphiquement comme tel : seule la légende y supplée.
Ce déséquilibre dans la symétrie induit en fait que la Palestine est supposée indemne du Hamas (ici « condamné »).
L’implication en est claire : quand Israël s’affronte à celui-ci ou est exposé à ses actes violents, c’est « la Palestine » qu’il attaque mais quand les Palestiniens attaquent, c’est le Hamas qui est coupable.
Au passage, donc, « la Palestine » se voit innocentée de la politique du Hamas (mais que sont les Hamasniks sinon des Palestiniens ?) comme de sa propre politique.
Elle n’est que victime, quoiqu’elle fasse.
La deuxième substitution forcée concerne « les filles ».
Dans le cas du Hamas, Plantu représente un genre alors que, sous la botte du soldat israélien, « les filles » deviennent les Palestiniens tout court (« filles » et garçons ?) non plus posés en rapport à leur école mais à leur pays (la Palestine) qu’un Israël artificiel (pancarte de travers) recouvre et occulte (« Palestine » et pas « territoires occupés »).
Si on laisse de côté le fait que c’est la légitimité même de l’Etat d’Israël qui est ainsi mise en doute (une pancarte improvisée est apposée sur un bâtiment de base appelé Palestine), on constate que la discrimination scolaire des genres est mise en parallèle avec une supposée discrimination ethnique, politique, nationale.
Celle dernière est ainsi subrepticement mise en parallèle avec une discrimination dans le genre humain (homme-femme), ce qui l’aggrave encore plus (et induit l’idée d’l’apartheid…).
« Les filles » persécutées ne sont en effet pas nationalement identifiées.
Remarquons la symétrie entre les deux personnages excluants : même gestuelle, mais l’Israélien est un soldat et le Hamasnik un « homme » (religieux, innocent, non armé) en djellaba.
Il porte pourtant le bandeau vert des martyrs alors que le soldat porte une étoile de David manifeste (qui bien sûr n’existe pas dans l’habit du soldat israélien).
Induit-elle l’idée des Juifs en général et pas « seulement » des Israéliens ?
(le dessin de Plantu n'est pas reproductible sur ce blog. Pour le voir, rendez-vous sur le site JForum).
La portée du dessin serait alors encore plus grave.
Plantu aurait pu opposer le fait que s’il est un pays où la discimination de genre est au plus bas, c’est bien Israël, ce qui n’est le cas ni sous l’OLP, ni sous le Hamas.
Il aurait pu opposer le fait que les Arabes chrétiens qui subisistent dans les territoires sous l’autorité Palestinienne et à Gaza s’enfuient en masse de ces lieux où ils sont persécutés, alors que la communauté chértienne est florissante en Israël.
Il aurait pu opposer à cette persécution des chrétiens le fait que les Arabes d’Israël sont des citoyens à part entière (sauf qu’ils sont exemptés du service militaire), qu’ils ont plusieurs partis (y compris islamique) représentés à la Knesset, un juge à la Cour suprême, leur propre réseau scolaire dans leur langue, deuxième langue nationale du pays, présente dans toutes les signalisations…
Sans doute est-ce trop demander ?
Rajoutons un autre élement à peine perceptible, un « lapsus » graphique du dessinateur, dirait le psychanalyste.
Au dessus de l’inscription « Palestine », on observe une sorte de tour basse, une construction : si on prend en considération la structure ainsi créée : le bâtiment à l’horizontale qui porte sur son mur l’inscription de « Palestine », la petite tour verticale, nous obtenons l’esquisse d’une croix.
La pancarte de biais « Israël » rappelle le INRI des Romains sur la croix de la crucifixion.
En conclusion, l’apparente condamnation du Hamas recouvre en fait une condamation bien plus puissante d’Israël, suggérant l’idée qu’il constitue non seulement un pouvoir raciste et discriminatoire, n’excluant pas seulement les garçons et les filles en particulier mais tout un peuple, figure du genre humain.
Le dessinateur cristallise ainsi la violence du Hamas, de la sorte innocenté, sur Israël, tandis que les Palestiniens se voient doublement innocentés : ce ne sont que des enfants et même le Hamasnik, excluant, n’a pas d’arme. Seul l’Israélien – à l’étoile de David - est habillé en soldat.
La transformation de la réalité reste cependant, la plupart du temps, rhétorique.
A preuve, toujours dans « Le Monde », un article en date du 22 mars 2013 qui est un chef d’œuvre du genre car, tout en accusant le coup d’un événement objectif, la journaliste, Elise Vincent ou son rédacteur en chef, le transforme dans son effet d’impact.
L’événement, c’est que les actes antisémites ont augmenté de 58 % en 2012 alors que le gros titre de l’article, celui que retiendra le lecteur pressé, annonce :
« Les actes anti-musulmans progressent pour la troisème année consécutive ».
Nous apprenons, cependant, dans le corps du texte, que la hausse des actes anti-musulmans n’est quant à elle que de 30 %.
Seul un petit sous-titre négligeable évoque les 58% mais - attention ! - « selon la commission des droits de l’homme », c’est à dire implicitement « sous toutes réserves » alors que les actes anti-musulmans ont le statut, eux, de réalité sûre, sans réserve.
On découvre, d’ailleurs, en lisant cet article, l’affirmation plutôt étonnante de la présidente de la Commission des droits de l’homme pour laquelle les causes de l’antisémitisme sont « essentiellement conjoncturelles » (depuis 12ans !) alors que celles des actes anti-musulmans sont « structurelles ».
La seule nouveauté par rapport à il y a 10 ans c’est qu’alors c’était de la faute d’Israël et que, maintenant, c’est de la faute de la France, à cause de l’affaire Merah, un Français…
Shmuel Trigano
Professeur des Universités
L’article du Monde analysé par Mr Trigano :
Les actes antimusulmans progressent pour la troisième année consécutive
Selon la commission des droits de l’homme, les actes antisémites ont augmenté de 58 % en 2012
Comme chaque année à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre le racisme, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a rendu public son rapport annuel, jeudi 21 mars.
Il révèle qu’après deux années de baisse, la France connaît de nouveau une forte hausse des actes à caractère raciste, xénophobe et antisémite : + 23 % en 2012, soit 1 530 actes. Un phénomène multiplié par cinq depuis 1992.
D’après ces données, établies à partir des plaintes comptabilisées par le ministère de l’intérieur, la principale cause de cette hausse est l’augmentation de 58 % des actions antisémites (177 actes et 437 menaces) en 2012.
Celle-ci est aussi alimentée par une hausse de 30 % des actions contre les musulmans (53 actes et 148 menaces) confirmant la tendance de 2011 (+ 34 %).
Hors ces actes, les actions racistes ont en revanche peu évolué : + 2 % (118 actes et 606 menaces).
Comme les années précédentes, les actes racistes ont été recensés dans les principales régions d’immigration : Ile-de-France, Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Alsace et Picardie.
Des zones aussi plus exposées, selon la CNCDH, car " traditionnellement industrielles et marquées par un chômage important ", avec un " tissu social en voie de restructuration ". 40 % des victimes sont d’origine maghrébine.
Pour la présidente de la CNCDH Christine Lazerges, tous ces indicateurs sont le reflet de situations différentes.
" Pour l’antisémitisme, les causes sont aujourd’hui essentiellement conjoncturelles ", estime-t-elle. Mme Lazerges les relie notamment au contexte de l’affaire Merah, en mars 2012, et à celui de l’attaque d’une supérette casher de Sarcelles (Val-d’Oise) en septembre 2012.
Inquiétudes
Pour la présidente de la CNCDH, la hausse des actes anti-musulmans - recensés en tant que tels depuis 2010 - est plus préoccupante.
" On a affaire à un phénomène beaucoup plus structurel, car nous observons cette augmentation depuis maintenant trois années consécutives, détaille-t-elle. Numériquement, les chiffres sont faibles, mais ils ne montrent que la partie visible de l’iceberg. "
Tous ces indicateurs corroborent les résultats d’une enquête d’opinion de l’institut CSA dévoilée dans le rapport de la CNCDH. Réalisée auprès d’un échantillon de 1 029 personnes du 6 au 12 décembre 2012, elle confirme que les Français ont une vision de plus en plus négative de l’islam.
55 % des personnes interrogées considèrent qu’il " ne faut pas faciliter l’exercice du culte musulman en France " (+ 7 points par rapport 2011).
Ce phénomène de rejet n’existe pas pour les autres religions.
D’après cette enquête, de plus en plus de Français s’interrogent aussi " sur la possibilité de "vivre ensemble" ".
Les inquiétudes à l’égard de " l’identité de la France " sont passées depuis janvier 2011 de 6 % à 12 %.
Quelque 69 % des personnes interrogées considèrent également qu’il y a " trop d’immigrés aujourd’hui en France ", soit une progression de 10 points par rapport à 2011 et de 22 points comparé à l’année 2009.
Phénomène nouveau, ce sentiment concerne de " plus en plus la France de gauche ", note la CNCDH.
Si les sympathisants de droite sont nettement plus nombreux à partager cet avis (81 %, soit 3 points de plus qu’en 2011), c’est chez ceux de gauche que l’on trouve la progression la plus forte : + 11 %.
Se développe par ailleurs le sentiment d’un racisme " anti-français " (+ 4 %).
Les préoccupations d’ordre socio-économique demeurent néanmoins prioritaires chez les Français.
Pour la CNCDH, le gouvernement devrait se montrer plus proactif dans la mise en place d’outils de lutte contre les préjugés racistes, xénophobes ou antisémites.
Le plan de lutte contre le racisme dévoilé le 26 février, à Matignon, est trop " modeste ", selon Mme Lazerges.
A ses yeux, il lui manque notamment " une impulsion politique officielle déterminée ".
Ce plan prévoit notamment, pour la première fois, dès la rentrée 2014, des modules optionnels pour les étudiants.
Ceux-ci pourront compter pour la validation du diplôme.
A partir de janvier 2014, la lutte contre les discriminations intégrera le catalogue des formations prioritaires des fonctionnaires et sera obligatoire pour les nouveaux agents.
Mais ce plan reste piloté par une équipe aussi motivée que discrète, réduite à un préfet et trois collaborateurs dotés de 30 000 euros de budget annuel.
M. HOLLANDE AU DÎNER DU CRIF : " NOUS SERONS SANS FAIBLESSE "
" Nous serons sans faiblesse - face aux actes antisémites - ", a promis François Hollande, mercredi 20 mars, au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).
" Le gouvernement a renforcé partout la sécurité de la communauté juive là où elle était menacée ", a-t-il rappelé, estimant que " pour la communauté juive comme pour la République toute entière, il y aura un avant et un après Toulouse " et l’affaire Merah.
Le président a aussi affirmé que " la Shoah n’est pas un enseignement à option ".
Le même jour, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a décidé d’attaquer Twitter au pénal pour ne pas avoir répondu à la demande de la justice française, en janvier, d’identifier les auteurs de tweets antisémites.
Elise Vincent/Le Monde