Début 2011, le président palestinien Mahmoud Abbas prenait la décision de rompre les négociations et de plaider devant les Nations unies la reconnaissance de l’Etat [de Palestine]. On s’attend à un veto américain, tandis qu’une large majorité des membres de l’Assemblée générale adoptera sans doute une motion reconnaissant un Etat palestinien dans les frontières de 1967.
En droit international, une telle résolution n’est pas contraignante, mais cette perspective suscite des réactions négatives de la part d’Israël, des Etats-Unis et d’une partie de la communauté internationale qui craignent les conséquences du vote de l’ONU. Le ministre de la Défense israélien, Ehoud Barak, a même averti de l’imminence d’un "tsunami diplomatique".
Ces craintes sont largement exagérées. L’ONU est une institution moralement en faillite, qui donne une voix égale aux pires agresseurs et violateurs des droits de l’homme de la planète. Que pourrait-elle faire pour mettre en œuvre les recommandations de l’Assemblée générale ? La seule conséquence de ce vote sera négative : renforcer l’intransigeance palestinienne.
Aucune résolution de l’Assemblée générale ne pourra jamais palier un mouvement national palestinien fractionné et dysfonctionnel. L’ONU ne pourra jamais transformer le factionnalisme palestinien en une entité politique unique.
En quoi l’ONU pourra-t-elle rassembler Gaza et la Cisjordanie et en faire des interlocuteurs raisonnables face aux négociateurs israéliens ? En quoi l’ONU pourra-t-elle adoucir le désir du Hamas de tuer des Juifs et d’éradiquer Israël ? En quoi l’ONU pourra-t-elle éradiquer cette "culture morbide du martyr" ? En quoi l’ONU pourra-t-elle insuffler du pragmatisme dans la culture politique palestinienne ? Les Palestiniens restent de "mauvais perdants" en ne voulant pas d’un accord pragmatique qui leur permettrait pourtant d’accéder au rang d’Etat.
L’ONU ne peut pas livrer d’Etat clé en main. Elle ne peut changer ni les faits sur le terrain, ni le comportement palestinien. Les Palestiniens ont eu deux fois l’occasion historique d’édifier un Etat, en 1948 et en 1993, mais cette opportunité a été par deux fois dilapidée par des dirigeants épouvantables.
L’Autorité palestinienne (AP) pourra-t-elle survivre sans mendier une aide internationale ? Pourra-t-elle survivre en restructurant d’une manière draconienne sa bureaucratie pléthorique et corrompue et en encourageant le développement d’une économie saine ? Les tant applaudies forces de sécurité palestiniennes formées par les Etats-Unis n’ont encore jamais dû affronter le véritable test de toute construction étatique : le monopole de l’usage de la force. Les armes illégales abondent et posent un défi majeur pour un Etat naissant. Ces forces de sécurité seront-elles fiables lorsqu’il faudra relever le défi posé par le Hamas ou s’effondreront-elles comme ce fut déjà le cas [en juin 2007] avec les forces formées par des instructeurs américains à Gaza ?
Dans les faits, ce sont les fréquentes incursions militaires israéliennes contre les infrastructures du Hamas en Cisjordanie qui ont jusqu’à présent préservé l’AP. Si Israël devait décider de refuser l’accès à son marché du travail et cesser les transferts de fonds et de nombreux services, le coup serait fatal.
Les dirigeants de l’AP savent que leurs options contre Israël sont limitées et qu’une nouvelle campagne terroriste sera extrêmement destructrice pour les Palestiniens. Le différentiel de puissance entre la société démocratique, prospère et militairement forte qu’est Israël, et les entités palestiniennes corrompues, autocratiques et fragmentées ne fait que se creuser. Aujourd’hui, l’Etat hébreu peut donc s’attendre à des actions palestiniennes non violentes destinées à affecter son image à l’étranger et en Israël même. Une préparation et une formation adéquates sont dès lors nécessaires pour minimiser l’impact médiatique d’affrontements entre soldats et civils.
Cependant, le principal défi qui se pose à Israël n’est pas le front diplomatique. Le monde arabe, aux prises avec une crise sociopolitique sans précédent, est incapable d’agir autrement qu’en appuyant du bout des lèvres la création de l’Etat palestinien. La diplomatie israélienne a réussi à empêcher une flottille internationale de briser le blocus maritime de Gaza. Israël a également bénéficié de la compréhension internationale envers son exigence que les Palestiniens reconnaissent le caractère juif d’Israël. Enfin, Washington reste solidement derrière Jérusalem sur la plupart des dossiers, tandis que le partenariat stratégique n’a guère été affecté par les différends sur les négociations de paix.
Ce qui est réellement en jeu, c’est la cohésion d’Israël. Un Israël uni derrière un gouvernement perçu comme s’investissant assez dans la sécurité et la paix peut soutenir un conflit prolongé. Par sa stabilité, le gouvernement Nétanyahou répond à ces exigences. Et une écrasante majorité d’Israéliens reste convaincue que les Palestiniens ne sont toujours pas prêts aux concessions nécessaires à la paix. Une résolution de l’ONU influera d’autant moins sur l’opinion israélienne que cet organisme y est perçu comme incompétent et hostile.
A moins d’assister à l’émergence de dirigeants palestiniens plus pragmatiques, le conflit se poursuivra. Selon toute probabilité, après septembre 2011 viendront octobre et de nombreux autres longs mois sans Etat palestinien à l’horizon.
Efraïm Inbar
Bitter Lemons
Courrier International