
Malgré tout ! Sarkozy….
Voici ce que nous dit le Professeur Navon,…
Par Emmanuel Navon
Professeur de Relations Internationales à l’Université de Tel-Aviv est candidat du Likoud pour les prochaines législatives israéliennes.
Le premier tour de l’élection présidentielle en France m’a rappelé mon passé: Nicolas Sarkozy était le maire de la commune où je vivais; Nicolas Dupont-Aignan (le candidat gaulliste) et Pierre Moscovici (le directeur de campagne de François Hollande) furent mes maîtres de conférence à Sciences-Po.
Mais ces candidats ne me manquent pas et je m’estime heureux de ne plus vivre en France (et pas seulement parce que les cours de Dupont-Aignan et de Moscovici étaient à mourir d’ennui).
Car si Sarkozy est battu au second tour (comme les sondages le prévoient), la France ira à la faillite et l’Euro ne survivra sans doute pas. Bien que j’ai été déçu par Sarkozy, et bien que j’ai perdu toute patience pour son style erratique, je le soutiens.
J’ai fermement critiqué Sarkozy après qu’il ait insulté mon Premier Ministre en novembre 2011 (« Sarkozy, c’est fini, en fin d’article- » 9 novembre 2011).
Dans mon article, je raillais la politique étrangère de Sarkozy, je désavouais son attitude à l’égard d’Israël, et je lamentais l’écart entre ses demi-réformes économiques et la « rupture » qu’il avait promise avant son élection.
Je concluais ainsi: « Sarkozy a perdu le vote juif et sa défaite probable aux élections présidentielles sera bien méritée. Sarkozy, c’est fini. »
Je souscris à chaque mot: Sarkozy ne mérite pas d’être réélu et je ne saurais m’en désoler au vu de son attitude à l’égard d’Israël ces deux dernières années.
Et pourtant, comparé à Hollande, Sarkozy est un moindre mal. J’en appelle donc à voter pour lui.
L’économie française est sur le point de partager le sort de celui de ses voisins du sud du fait de sa croissance faible, de sa dette insoutenable, et des inquiétudes justifiées des marchés financiers.
L’État français est le plus grand dépensier de l’OCDE: ses dépenses représentent 56% de son PIB, tandis que la moyenne des pays de l’OCDE est de 43%.
Comme ses voisins européens, la France a bâti un État providence généreux après la Seconde Guerre mondiale. Mais la crise économique des années 1970 a fortement diminué la croissance et les revenus fiscaux qui finançaient l’État providence européen. Et la démographie européenne (augmentation de la durée de vie et diminution du taux de natalité) réduit inévitablement le nombre de contribuables tout en augmentant le nombre de retraités. Ajoutez à cela la globalisation, qui permet aux capitaux et aux sociétés de migrer librement vers des pays plus accueillant fiscalement, et vous comprenez pourquoi le gouvernement français ne parvient pas à joindre les deux bouts et a besoin d’emprunter pour assurer ses dépenses.
Contrairement à ses voisins nordiques, la France n’a jamais adapté ses dépenses à sa démographie et à la globalisation. Les réformes réussies de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne (dans les années 1980) et de Gerhard Schröder en Allemagne (dans les années 1990) n’ont jamais eu lieu et n’auront sans doute jamais lieu en France: les Français pensent dans leur majorité (comme l’indiquent systématiquement les sondages d’opinion) que le capitalisme est injuste, et ils semblent croire que les lois de l’économie ne s’appliquent pas à l’État.
Tandis qu’en Grande-Bretagne, en Irlande, au Portugal et en Espagne les électeurs ont choisi ces deux dernières années des partis et des dirigeants qui ont promis des réformes économiques douloureuses, les Français ont plébiscité le 22 avril dernier des candidats qui accusent la globalisation et les marchés financiers des problèmes économiques de la France, et qui n’ont promis aucune des réformes dont l’économie française a tant besoin.
Le fait que la France refuse de regarder la réalité économique en face a des conséquences. La dette publique de la France constitue 90% de son PIB (un chiffre qui ne fait qu’augmenter et qui atteindra 100% en 2015 selon la Cour des Comptes). Le budget de l’État est déficitaire depuis 1974. La France a le plus grand déficit des comptes courants de la zone Euro en termes nominaux. Les banques françaises sont sous-capitalisées. La France souffre d’un taux de chômage structurel (10% contre 5,8% en Allemagne) entre autres parce que coût de l’emploi en France est trop élevé (un employeur français paie deux fois plus de charges sociales qu’un employeur allemand).
Jusqu’à la crise financière de 2008, la France pouvait vivre à crédit parce que, après tout, l’économie française a de nombreux atouts. Mais les prêteurs, aujourd’hui, sont rares et exigeants, et donc la France pourrait bien partager le sort de la Grèce.
La France doit se réveiller avant qu’il ne soit trop tard, et les candidats à la Présidence doivent dirent la vérité aux électeurs. Or ils font exactement le contraire –surtout François Hollande.
Le programme d’Hollande inclut l’augmentation des dépenses publiques (20 milliards d’Euros sur cinq ans), la remise en cause partielle de l’augmentation de l’âge de la retraite à 62 ans, un impôt sur le revenu de 75% pour les plus riches, et une augmentation de l’impôt sur la fortune. Alors que l’État français a besoin de se mettre au régime d’urgence, Hollande veut l’engraisser. Pis, Hollande veut renégocier l’acte fiscal européen, un accord conclu à l’arrache-pied pour imposer une certaine discipline budgétaire au sein de la zone Euro.
La victoire d’Hollande entraînera donc une fuite des capitaux et des talents, ainsi qu’une déstabilisation de l’Euro. Au lieu de s’attaquer aux déséquilibres structurels de l’économie française, Hollande mènera la France à la faillite et l’Euro à sa perte.
Les réformes économiques de Nicolas Sarkozy ont certes été bien minces pendant ses cinq années au pouvoir, mais un Sarkozy réélu n’aura plus à craindre la sanction de l’électorat et il prendra peut-être les mesures impopulaires et nécessaires pour sauver la France de la faillite. Même s’il ne mérite pas le bénéfice du doute et même s’il ne mérite pas d’être réélu, son remplacement par Hollande constituerait une catastrophe pour la France et pour l’Europe. Pour cette raison, les Français doivent mettre de côté leur antipathie justifiée pour Sarkozy et le réélire.
Emmanuel Navon pour israel-flash
Sarkozy, c’est fini
En novembre 2011 disait…
Hervé Vilard est devenu immédiatement célèbre en 1965 avec sa chanson d’amour « Capri, c’est fini ». Bien que cette chanson soit un véritable disque rayé, elle fut un énorme succès (2,5 millions de disques vendus). Est-ce parce que la déception est un sentiment tellement universel que même la chanson la plus nulle sur ce sujet nous émeut ? Et obtiendrais-je 2,5 millions de « downloads » sur I-tunes si j’écrivais une chanson sur « Sarkozy, c’est fini ? ». Après tout, il y a plus de 2,5 millions de personnes déçues par Sarkozy. Mais comme je ne suis pas musicien, je me limiterai à ma prose.
Depuis que j’ai fait mon « aliyah » il y a dix-huit ans, j’ai renoncé à mon droit de vote aux élections françaises. Je ne partage plus la destinée de la France, pays que j’ai quitté volontairement. En 2007 cependant, j’ai fait une exception. Impressionné par Nicolas Sarkozy, je fis deux fois le déplacement au consulat de France pour lui donner mon vote. Sarkozy était un outsider. Fils d’un immigrant hongrois, il fut élevé par un grand-père juif et grandit comme le vilain petit canard à Neuilly, la banlieue huppée de Paris. Contrairement au reste de la classe politique française, Sarkozy n’a pas été cloné intellectuellement par l’ENA. Mais, surtout, il semblait sincère lorsqu’il disait qu’il comptait remplacer le dirigisme économique français par une politique libérale, et quand il parlait affectueusement d’Israël et de l’Amérique. Cela semblait presque trop beau pour être vrai – et effectivement, c’était du bluff.
Sarkozy s’est vite révélé comme un dirigeant autoritaire et impulsif. Ses réformes économiques sont maigres et sa politique étrangère est un désastre. Son projet d’« Union pour la Méditerranée » a été un échec cuisant. En plus d’avoir irrité ses partenaires européens (en particulier l’Allemagne) pour ne pas les avoir consultés sur ses idées farfelues (tout en attendant d’eux qu’ils prennent part à leur financement), Sarkozy s’est ridiculisé. En juillet 2008, il lança en grande pompe son « Union pour la Méditerranée » à Paris avec des invités embarrassants tels que Hosni Moubarak et Bashar Assad. Sarkozy pensait que son « Union pour la Méditerranée » allait convaincre la Turquie d’abandonner sa candidature à l’Union Européenne, alors même qu’à l’époque Erdogan avait déjà fait le choix d’une politique étrangère panislamique.
Pis, Sarkozy fit tout pour réhabiliter Mouammar Kadhafi afin de vendre des centrales nucléaires françaises et des avions de chasse à la Libye. Peu après son élection, Sarkozy accueillit Khaddafi à Paris puis il se rendit à Tripoli pour célébrer « un partenariat stratégique » entre la France et la Libye. Alors que le candidat Sarkozy faisait de grands discours sur le rôle international de la France dans la promotion des droits de l’homme, le président Sarkozy fit des affaires avec Khaddafi (« Je suis sur le point de conclure des contrats de plusieurs milliards avec la Libye » déclarait fièrement Sarkozy aux media français). Sauf que Sarkozy sous-estimait le risque de faire des affaires avec un exploseur d’avions. Khaddafi empocha le « certificat de réhabilitation » de Sarkozy mais ne renvoya pas l’ascenseur. Outre son courroux contre Kadhafi, Sarkozy fut embarrassé par les révoltes arabes qui révélèrent les relations intimes de son gouvernement avec des dictateurs arabes. Du jour au lendemain, Sarkozy se réincarna en Zorro du monde arabe, bombardant Khaddafi avec les avions qu’il voulait lui vendre.
Sarkozy essaya sans succès de jouer le rôle de pacificateur à l’égard du président russe Medvedev quand ce dernier bombarda l’Ossétie du Sud à l’été 2008. Ça ne se fait pas de tenter de préserver un empire révolu en utilisant la force militaire contre des dirigeants nationalistes qui menacent le feu empire, expliqua Sarkozy à Medvedev. Pourtant, c’est exactement ce que fit Sarkozy contre Laurent Gbagbo, qui lutta contre le néo-colonialisme français en Côte d’Ivoire.
L’impétuosité et la duplicité de Sarkozy ne sont plus un secret pour Israël. Sarkozy a des origines juives, et il commença sa carrière politique comme maire de Neuilly où vit une communauté juive influente. Comme ministre de l’intérieur sous le président Chirac, Sarkozy fut très ferme contre les actes antisémites. Ses discours étaient pleins de louanges pour Israël. Il se lia d’amitié avec Benyamin Netanyahou. Son discours à la Knesset en juin 2007 fut une divine surprise (à part, bien sûr sa phrase scandaleuse sur la division de Jérusalem).
Aujourd’hui, l’attitude de Sarkozy envers Israël est identique à celle de ses prédécesseurs : il est odieux et condescendant, et la « politique arabe » de la France est de retour. En 2009, Sarkozy accorda la Légion d’Honneur à Charles Enderlin, le journaliste français qui accusa à tort Israël d’avoir tué Mohamed al-Dura, contribuant ainsi au déclenchement de la deuxième intifada et fournissant des prétextes à des actes de « vengeance » tels que la décapitation de Daniel Pearl.
Sarkozy blâme Netanyahou et absout Abbas pour l’impasse des négociations israélo-palestiniennes, et ce en dépit des gestes de Netanyahou et du refus d’Abbas de négocier. Il a encouragé la démarche unilatérale d’Abbas à l’ONU et a récemment voté en faveur de l’admission de la « Palestine » à l’UNESCO comme Etat membre à part entière. Sarkozy a également déclaré récemment que l’exigence d’Israël d’être reconnu comme Etat juif par les Palestiniens est « ridicule ». Dans une conversation privée avec le président Obama il y a deux jours, Sarkozy a fait de la médisance sur Premier ministre israélien en le traitant de « menteur » et en ajoutant qu’il ne pouvait pas le supporter.
Le discours de Sarkozy à l’Assemblée Générale de l’ONU en septembre 2011 frôla le ridicule. Tout en affirmant que l’impasse israélo-palestinienne était due à un « problème de méthode » Sarkozy proposa d’appliquer cette même méthode une nouvelle fois pour résoudre le conflit, à savoir négocier le statut final de Jerusalem, des frontières et des ‘implantations’ selon un calendrier pré-établi. C’est précisément ce à quoi le processus d’Oslo, la Feuille de Route et la Conférence d’Annapolis ont tenté d’aboutir sans succès.
La majorité de Juifs français et la plupart des citoyens binationaux franco-israéliens ont voté pour Sarkozy en 2007. Sarkozy fait aujourd’hui le mauvais calcul qu’il peut toujours compter sur leurs votes en dépit de sa trahison, parce que les Juifs n’ont pas d’autre choix. Il se trompe. Aux primaires du Parti Socialiste, l’effrayante Martine Aubry a été battue par un François Hollande modéré et conciliant. À droite, Marine Le Pen convainc de plus en plus de Juifs qu’elle n’est pas antisémite comme son père et qu’elle partage les sentiments d’Israël vis-à-vis du monde arabe.
Sarkozy a perdu le vote juif et sa défaite probable aux élections présidentielles sera bien méritée. Sarkozy, c’est fini.
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est-ce normal que je ne reçois plus vos lettres de nouvelles..merci