Certains prévoyaient son ralliement à Tsipi Livni, c’était peu probable, d’autres à Avigdor Lieberman, ça l’était encore moins, d’autres enfin ont prévu son retrait de la vie politique. Ils ont eu raison. Ce fut un choc politique nuancé puisque prévisible compte tenu de ses chances aux prochaines élections.
Quelques jours après l’opération Pilier de défense, dans laquelle Ehoud Barak a une fois de plus assuré la dure tâche de défendre l’Etat d’Israël attaqué par les terroristes du Hamas, du Jihad islamique et d’autres organisations terroristes, djihadistes et salafistes, le ministre de la défense a lancé sa propre bombe, mais cette fois à l’intérieur du système politique israélien : "J’ai pris la décision de quitter la vie politique et de ne pas me porter candidat aux prochaines élections législatives. Je suis reconnaissant pour la chaleur que j’ai reçu de la population". Il a ajouté également : "J’ai été heureux de servir l’Etat d’Israël depuis 53 ans, et voudrait consacrer du temps à ma famille. La politique n’a jamais été mon désir ".
Le départ du ministre de la défense ne provoquera toutefois aucun bouleversement majeur dans les prochaines élections législatives, qui doivent avoir lieu en janvier, ni au sein de la coalition actuelle. Ehoud Barak se maintiendra à son poste jusqu’aux élections puis se retirera. Le ministre de la défense ne jouissait de plus aucun soutien politique, il s’était brouillé récemment avec Netanyahou on le sait – ce qui est partie à l’origine des élections anticipées - et était crédité de 0 à1 siège dans les sondages. Il ne disposait plus, vraisemblablement, des moyens d’être à nouveau, au minimum ministre de la défense, encore moins premier ministre. Il ne disposait d’aucun moyen de faire pression sur qui que ce soit ni de négocier quoique ce soit.
Aux yeux de nombreux Israéliens, sa participation active au gouvernement de Netanyahou n’avait de sens que pour conserver son poste et rester au pouvoir. Ehoud Barak est un homme qui provoque le tumulte chez beaucoup d’Israéliens qui ne le supportent plus et ne voient plus en lui qu’un arriviste, un homme enrichi dans l’armement et l’immobilier, un politicien oportuniste qui pense surtout à sa place et ses intérêts. Toutefois nul ne lui nie son rôle dans l’histoire de l’armée israélienne, il restera dans l’histoire israélienne l’un des soldats les plus gradé de Tsahal et dans les esprits un bon ministre de la défense, y compris pour ceux qui ne l’apprécient guère.
Entré à l’armée à 17 ans et demi, six mois avant la norme, il débuta sa carrière militaire en 1959, pour la finir au grade sommital de Général en chef le 1er janvier 1995 ou 14e chef d’état major de Tsahal.
Ses faits d’armes sont réputés. Il participa à la libération d’un avion de la compagnie belge SABENA, détourné sur l’aéroport de Lod en 1972, ou encore au raid d’Entebbe dont il fut l’un des planificateurs.
À l’issue de sa carrière militaire, il s’engagea au sein du Parti travailliste israélien. Ministre de l’Intérieur en 1995, des Affaires Étrangères de 1995 à 1996, et prit la tête du parti travailliste.
Le 17 mai 1999, il fut élu Premier ministre de l’État d’Israël, au détriment de l’actuel premier ministre Benyamin Netanyahou. Il fut notamment responsable du retrait israélien du Liban-Sud en 2000. Mais le mouvement terroriste chiite Hezbollah prenant la place d’Israël au sud-Liban, ce retrait provoqua la 2e guerre du Liban en 2006. De ce point de vue, Ehoud Barak et Ariel Sharon sont les deux grands hommes politiques israéliens du XXIe siècle, grands militaires tous les deux, à avoir effectué un retrait qui fut suivi d’une guerre ou d’une opération militaire importante. Après la démission d’Amir Peretz, ministre de la défense travailliste pendant la guerre, Ehoud Barak reprend les cornes de la défense en 2007.
Lors des élections de 2009, le public israélien ne le souhaitait pas premier ministre mais le voyait bien ministre de la défense. En 2009, bien que seuls 13 députés travaillistes aient été élus aux élections législatives, il parvient à se maintenir en poste en rejoignant la coalition de Benyamin Netanyahou.
Mais, soumis à des contestations dans son camp, qui n’accepte pas cette alliance entre le parti travailliste et le parti de droite Likoud, il démissionne du parti travailliste le 17 janvier 2011, avec quatre autres personnalités (Matan Vilnai, Einat Wilf, Orit Noked et Shalom Simchon) pour former un nouveau parti « centriste, sioniste et démocratique » du nom d’Indépendance (Hatsma’out).
Il ne s’en relèvera jamais. La gauche travailliste le considère quasiment comme un traître et la droite le voit comme un politicien appartenant à la gauche. Ehoud Barak a sans doute voulu garder la tête haute en se retirant avant toute humiliation électorale. Une forme d’honneur, beaucoup penseront qu’il a bien fait.
Misha Uzan - JForum - Correspondant spécial